Comment gérer les avis disciplinaires des employés : un guide complet
La gestion d’employés comporte son lot de défis et en tant qu’employeur, il est parfois nécessaire de gérer des situations difficiles afin que l’ensemble du personnel puisse accomplir son travail dans un climat harmonieux. Les comportements fautifs ou le non-respect des politiques et procédures peuvent occasionner des conséquences négatives au travail et dans certains cas, l’application de mesures disciplinaires s’impose. Afin d’encadrer cette pratique, il est important pour l’employeur de connaître ses droits et ses obligations et de se positionner sur des principes généraux à suivre afin d’assurer un processus juste et équitable pour l’ensemble des employés, tout en respectant ses obligations légales en lien avec le principe de gradation des sanctions.
Qu’est-ce que le droit de gestion?
Tout d’abord, il importe de préciser que l’application des mesures disciplinaires constitue un droit de gestion reconnu. À cet effet, la Loi sur les normes du travail précise notamment que le droit de gestion constitue « le droit de l’employeur de diriger ses travailleurs et de prendre des décisions pour assurer la rentabilité de son entreprise et la bonne marche de ses affaires. Il permet à l’employeur d’encadrer son personnel pour qu’il se conforme aux règles en vigueur dans l’entreprise ». Ainsi, l’employeur utilise généralement les mesures disciplinaires afin de corriger un comportement, un geste inadéquat ou tout acte répréhensible commis par un employé. Cette façon de procéder vise principalement à éliminer le comportement fautif afin qu’il ne se reproduise plus, mais également à inciter le salarié à corriger lui-même son comportement.
De plus, en procédant à des mesures disciplinaires, lorsque justifiées, l’employeur envoie un signal clair aux employés de ce qui n’est pas acceptable et par le fait même, valorise les comportements adéquats, maintient un climat de travail sain et préserve la productivité du groupe.
Distinguer la mesure disciplinaire de la mesure administrative
Avant d’entamer la gestion d’un dossier disciplinaire, il convient d’évaluer en premier lieu la nature de la faute : est-elle disciplinaire ou administrative (non disciplinaire)?
La mesure administrative résulte d’un manquement involontaire de l’employé, soit l’incapacité ou l’incompétence, limitant ou l’empêchant d’offrir une prestation de travail adéquate. Le manquement se produit généralement lorsqu’un employé adopte inconsciemment un comportement qui nuit au bon fonctionnement de l’entreprise. Par exemple :
- Une performance insuffisante;
- Alcoolisme et toxicomanie affectant la performance de l’employé;
- Une maladie qui empêche l’employé d’effectuer son travail;
- Le manque de compétences ou de connaissances de l’employé;
- Le manque de formation de l’employé.
La mesure disciplinaire résulte d’un comportement volontaire de l’employé entraînant un manquement dans l’exercice de ses fonctions ou qui déroge aux règles de l’entreprise. Les comportements fautifs peuvent se manifester de plusieurs façons :
- Retards, pauses ou absences abusives;
- Insubordination;
- Violation des règles de l’entreprise;
- Comportements d’incivilité au travail;
- Négligence.
De plus, le manquement peut constituer une faute grave qui survient lorsqu’un employé commet un seul acte ou une seule omission suffisamment grave pouvant justifier un congédiement immédiat. Par exemple :
- Le vol (incluant aussi le vol de temps) et/ou la fraude;
- La violence physique ou verbale;
- Le harcèlement psychologique ou sexuel;
- Un acte intentionnel présentant des risques liés à la santé et sécurité au travail.
La distinction entre la mesure disciplinaire et administrative n’est pas toujours facile à effectuer. En effet, lors d’un cas lié au manque de compétences d’un employé par exemple, la mesure appropriée pourrait être à la fois administrative et disciplinaire si le manquement était principalement dû à la négligence, l’insouciance ou aux erreurs commises par l’employé dans l’exécution de son travail.
Bien qu’une faute grave constitue un motif de congédiement immédiat, nous recommandons de toujours établir les faits et de donner la possibilité à l’employé d’expliquer sa version des faits. C’est ce qu’on appelle un principe de justice procédurale. En effet, des facteurs atténuants pourraient être pris en cause dans la décision de congédier ou non, à la suite de la rencontre avec l’employé. Par exemple, le dossier disciplinaire vierge et la présence de remords pourraient transformer un congédiement en suspension longue. Comme plusieurs éléments sont à prendre en compte, nous vous suggérons de contacter un professionnel en relations de travail avant de procéder.
Dans tous les cas, il faut respecter les étapes suivantes lors de notre intervention.
Source : BOURHIS, Anne et CHÊNEVERT, Denis (2019). «À vos marques, prêts, gérez ! (2e édition)» , p.251.
Des principes à respecter
Le principe de gradation des sanctions
Une fois que la mesure appropriée à appliquer est choisie (administrative ou disciplinaire), il convient de tenir compte du principe de gradation des sanctions afin de déterminer le niveau de sanction à imposer. Ainsi, il n’existe pas de solution « miracle » applicable à tous les problèmes rencontrés. Chacun des cas est unique et doit être analysé et traité séparément. À cette étape, il est important d’avoir une bonne compréhension de la situation et des faits qui y sont rattachés, ceci afin de pouvoir appliquer la sanction appropriée. Il s’agit donc de recueillir l’ensemble des faits relatifs à la situation en validant l’ensemble des informations et en révisant le dossier de l’employé. Il est utile d’effectuer une enquête à cette étape, en rencontrant l’employé fautif pour recueillir sa version des faits et en questionnant des témoins, si nécessaire.
Une fois l’étape de l’enquête effectuée, il s’agit d’appliquer le principe de gradation des sanctions qui implique que l’employeur sanctionne de façon graduelle les fautes disciplinaires de l’employé avant d’en arriver à un congédiement. Sans s’y limiter, le principe général de gradation utilisé prévoit un avis verbal, un avis écrit, des avis de suspensions dont la durée varie et/ou augmente progressivement et le congédiement. L’application d’une gradation des sanctions peut paraître complexe à effectuer pour l’employeur. À cet effet, rappelons que la discipline vise à réhabiliter l’employé fautif et que pour ce faire, il faut d’abord que l’employé soit avisé que son comportement est inapproprié et qu’il n’est pas toléré davantage. De plus, précisons que le congédiement constitue la peine capitale et l’employeur ne pourra l’imposer qu’après avoir épuisé les autres formes de discipline.
Le principe de proportionnalité de la faute
Indépendamment du principe général de gradation des sanctions, il convient de traiter chaque dossier de façon unique, et ce, en tenant compte de l’ensemble des facteurs suivants :
- La nature de la faute;
- La gravité de la faute;
- Les circonstances atténuantes et / ou aggravantes;
- Le niveau de responsabilité de l’employé;
- Les antécédents documentés dans le dossier de l’employé;
- Le comportement de l’employé après le manquement;
- La tolérance du gestionnaire dans le passé.
La prise en compte de ces facteurs permet de considérer les différentes circonstances dans laquelle la situation s’inscrit, qui pourrait affecter le niveau de sanction à appliquer. Par exemple, un employé conscient de la gravité de son comportement et qui éprouve de réels remords, doit être prise en compte dans la réflexion et la mesure à appliquer ne sera pas nécessairement la même que pour un employé qui ne reconnaît pas sa part de responsabilités dans la situation.
Éléments à prendre en considération | Facteurs atténuants | Facteurs aggravants |
---|---|---|
Ancienneté de l’employé | Ancienneté élevée | Ancienneté peu élevée |
Dossier disciplinaire de l’employé | Dossier vierge | Dossier chargé, fautes similaires |
Type de poste occupé par l’employé | n/a | Poste de cadre |
Fréquence de la faute | Incident isolé | Caractère récurrent de l’incident |
Conséquences de la faute | Absence de conséquences graves | Important préjudice causé; nature de l’entreprise, clientèle, réputation |
Pratiques de gestion | Tolérance antérieure quant aux gestes similaires; manque d’information au sujet des politiques | Existence de politiques ou de règlements connus |
Autres caractéristiques de l’employé | État psychique, problème personnel grave, remords ou excuses après les faits | Absence de remords ou d’excuses |
Autres caractéristiques de la faute | Absence d’intérêt ou d’avantage personnel pour l’employé | Avantage personnel pour l’employé; préméditation de la faute |
Source : BOURHIS, Anne et CHÊNEVERT, Denis (2009). «À vos marques, prêts, gérez» , p.376.
Comment rédiger un avis disciplinaire efficace?
Une fois la mesure appropriée déterminée, il est maintenant temps de rédiger l’avis disciplinaire. Pour ce faire, bien qu’il existe différents modèles de disponible gratuitement, nous conseillons fortement de rédiger l’avis en l’adaptant et le modulant à la situation. De façon générale, l’avis devra inclure 4 principales sections soit :
- Section factuelle décrivant la problématique : dans cette section, nous débutons généralement par un rappel du dossier de l’employé en lien avec le manquement. Nous poursuivons ensuite avec le résumé des faits reprochés.
- Section décrivant la sanction : l’avis indique clairement quelle est la sanction imposée. Dans le cas d’une suspension, il est approprié d’y indiquer sa durée ainsi que les dates d’observations. Cette section précise également que le comportement fautif doit cesser.
- Section liée aux attentes de l’employeur : Débuter la section en réitérant les conséquences du comportement fautif pour l’organisation. Préciser succinctement les attentes de l’employeur, tel que par exemple, l’importance d’offrir une prestation de travail assidue. De plus, dans cette section, il est approprié d’offrir des outils à l’employé afin de l’aider et d’insister sur les mesures qu’il a à mettre en place afin de remédier à la situation.
- Section énonçant les mesures disciplinaires à venir : l’employeur se positionne et indique à l’employé quel seront les conséquences en cas de récidive. De plus, assurer un suivi rigoureux sera extrêmement important dans la gestion de l’avis disciplinaire. Ainsi, puisque l’on souhaite permettre à l’employé fautif de se corriger, il convient d’indiquer les délais et les suivis qui seront effectués en vue de la modification positive du comportement.
La communication de l’avis disciplinaire
Il est maintenant temps à cette étape de remettre l’avis disciplinaire à l’employé. Avant de le rencontrer, il est judicieux de réfléchir à un endroit neutre où tenir la rencontre et au moment approprié pour ce faire et ce, en gardant en tête la gestion de la confidentialité du dossier. Par exemple, selon les circonstances, il peut être préférable d’attendre à la fin d’un quart de travail pour effectuer la rencontre. Ensuite, il sera également important de prévoir que l’employé pourra faire la demande d’être accompagné, d’autant plus dans un contexte syndiqué, puisque plusieurs conventions collectives prévoient ce type de dispositions. Du côté de l’employeur, il est également opportun de prévoir un accompagnateur qui agira en tant que témoin et pourra prendre des notes.
Au cours de cette rencontre, il s’agira de mentionner verbalement les principales informations contenues dans l’avis disciplinaire, d’apporter des précisions à l’employé et de répondre à ses questions, s’il y a lieu. Pendant la rencontre, il sera parfois nécessaire de cadrer certains propos ou d’encadrer certaines réactions afin qu’elle se déroule dans le calme et le respect. De plus, il convient de garder en tête que bien que la rencontre disciplinaire soit délicate et présente des défis, il est possible qu’elle soit abordée avec empathie et collaboration.
Attitude à adopter de la part du gestionnaire |
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Ouverture d’esprit |
Connaissance approfondie des faits |
Pas de conclusions hâtives |
Distinction entre l’employé et la faute |
Reconnaissance des émotions de l’employé |
Les recours de l’employé
En terminant, bien que la gestion d’un dossier disciplinaire ne soit jamais une tâche agréable, il est possible de la rendre moins ardue en appliquant les bonnes pratiques que nous avons décrites ci-haut. Tout au long du processus, il sera également utile de documenter la situation au dossier confidentiel de l’employé et ce, afin d’avoir toutes les informations nécessaires en cas de récidives ou d’un éventuel recours. Il importe par ailleurs de se rappeler que puisque chaque cas est unique en soi et que la gestion d’un dossier disciplinaire peut parfois demeurer complexe, il ne faut pas hésiter à faire appel à une ressource externe spécialisée en la matière, soit des professionnels en gestion des ressources humaines ou des conseillers juridiques.